Le collectif résilient : une clé pour surmonter la crise
Le 05 Oct 2020
« Il y aura un avant et il y aura un après la crise ». Au centre de nombreuses discussions, ce principe ne fait pas l’unanimité… et pour cause, les télétravailleurs ont regagné les bureaux désertés, les enfants reprennent le chemin de l’école… La vie semble avoir repris ses droits, ou plutôt ses libertés. Quelles traces subsistent des mois passés ? Peur d’un rebond, reprise économique pour beaucoup difficile… comment aller de l’avant collectivement dans un climat insécurisant ? Marie-Pascale, ergonome et Maxime, psychologue du travail, parient sur la résilience pour surmonter la crise.
Post-confinement, sommes-nous en passe de reprendre la vie d’avant ?
Marie-Pascale Grenu : il s’agit plutôt de savoir si cela est possible… Boris Cyrulnik, neuropsychiatre connu pour son travail autour de la résilience, explique que chaque traumatisme laisse une trace dans l’organisme, une marque à vie qui vulnérabilise l’individu et qui aura forcément un impact sur sa trajectoire. La résilience, c’est continuer à se développer après un traumatisme, mais différemment.
Maxime Bourgois-Colin : il n’y a pas de recette miracle… mais une chose est sûre, la résilience passe par l’altérité. Lieu social, lieu de vie où l’on passe huit à dix heures par jour, le travail jouera un rôle de médiation entre le monde d’aujourd’hui et le monde de demain. Il a en effet pour particularité d’inscrire l’homme dans un triple rapport : rapport à lui-même, rapport à une production et rapport aux autres. Tous trois sont intimement liés à une dimension collective et participent à la création de l’identité de chacun.
En quoi la crise a-t-elle constitué un traumatisme sur le plan individuel et collectif ?
Marie-Pascale : du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés séparés, éclatés, avec des quotidiens très différents. Il faut maintenant relire l’expérience de chacun et en faire l’expérience de tous. Cette base permettra de se retrouver avec nos forces et nos faiblesses, de se construire ensemble en ayant conscience des menaces et des opportunités qui nous concernent.
Maxime : la crise a imposé une dichotomie violente dans toute la sphère professionnelle : l’activité de certaines entreprises s’est arrêtée, laissant certains collaborateurs en proie à un sentiment d’impuissance. Avec le confinement, beaucoup ont aussi dû faire le deuil des choses qu’ils aimaient faire pour se ressourcer. Sur le plan neurologique, en nous retenant de faire ce que l’on veut, nous avons excité des zones de notre cerveau peu habituées à être stimulées aussi longtemps, cela est très traumatisant pour l’esprit habitué à un niveau de liberté élevé.
Quel impact la crise a-t-elle eu sur le collectif ?
Marie-Pascale : la crise a bousculé et fait muter les modes d’expression et potentiellement la qualité de nos relations. L’énergie collective a été parfois, notamment à distance, plus difficile à capter et capitaliser. C’est de l’émulation collective que naissent, évoluent et murissent les innovations et les expériences collectives. L’intelligence collective se nourrit des expériences de chacun pour les transcender. En somme, elle est un outil de résilience commun, c’est pourquoi il est nécessaire de la préserver.
Comment reconstruire le collectif en entreprise après des semaines séparés ?
Marie-Pascale : nous pouvons nous appuyer sur des projets transversaux que nous reprendrons ou créerons, réactiver les synergies à travers des petits événements et rituels, créer des nouvelles règles de vie tenant compte des contraintes pesant sur le groupe et des nouveaux modes de travail… En parallèle, le partage d’expériences, les lieux d’échanges et espaces d’expression s’inscrivant à l’échelle de la société voir de la planète, au-delà de l’entreprise et des missions de chacun (comme la RSE), permettent le partage de valeurs et de notre raison d’être.
Maxime : l’intelligence collective, c’est la capacité à apprendre et à se nourrir de l’apprentissage de l’autre pour avancer. C’est une forme d’amélioration continue qui n’existe que si l’on accepte de se relire, d’avoir fait fausse route… Pour aller de l’avant, il faudra être capable d’apprendre et de désapprendre collectivement.
Vers quel « après » nous diriger ?
Maxime : Il va y avoir un conflit entre ceux qui voudront retourner vers des habitudes connues et ceux qui voudront les changer. Toutes les entreprises, même celles qui ont connu une croissance d’activité, sont concernées. Globalement, il faudra peut-être oser imaginer un modèle différent, se tourner vers des modes de gouvernance adaptés à l’incertitude et comprendre que la satisfaction et l’épanouissement au travail se traduiront désormais peut-être davantage sur les petites réussites du collectif.
Marie-Pascale : Chez LÜMAN, nous nous sommes donné rendez-vous au bureau quand cela a été possible. Nous avons pris un paper board et nous nous sommes posé une question simple : quelle analyse faisons-nous de la situation ? Quels sont nos chantiers prioritaires ? Nous avons choisi de faire confiance à notre capacité d’analyse des besoins de nos clients, nous avions également envie de tangible, de mesurable. Nous avons fixé nos engagements et défini nos indicateurs individuels et collectifs. Il était important de redonner sa place à chacun dans le projet et de définir des objectifs atteignables. L’investissement est plus simple quand on sait où l’on va.